Elisabeth, la quarantaine, célibataire, aisée, venant d’un milieu athée, très sceptique devant toutes les formes de pensée religieuse, est attirée par le Père Constantin, un gourou mondain entouré de femmes. La nouvelle venue comprend combien toutes sont subjuguées par le charme redoutable, le regard bleu, la voix profonde de celui dont elles se disputent les faveurs. Elle-même se laissera-t-elle conquérir ? Jusqu’où ira son ravissement ?



Les doigts d’Elisabeth flattent le pelage étrange. Elle respire le parfum tiède de cette bête énigmatique et proche. Cette exquise dépouille.  

Grasset, 2012
208 pages / 20,5×13 / ISBN978-2-246-79480-6
Bandeau : Photo Jean-Dominique Burton

Prix Félix Denayer 2012 de l’Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique pour l’ensemble de son œuvre et plus particulièrement pour Le Ravissement des femmes.

LECTEURS ET LECTRICES

Je me suis plongée dans la lecture et j’ai retrouvé cette fascination aux yeux mauves dont m’ont parlé plusieurs patientes au fil des années. Ce prêtre, qui pourrait aussi être un psy, est une sorte de cow-boy, il vient et repart toujours, laissant la désolation sur son passage. Cet abus de pouvoir, ce narcissisme dur comme la pierre, ce transfert paternel dont il joue si habilement, combien de femmes s’y sont cassé les dents, et tout l’être, car il ne s’agit pas que des fascinateurs prêtres ou psy, mais tant de pères eux-mêmes, blessant leurs filles..
Lydia Flem, 9 avril 2012

Il y a quelque chose de « démoniaque » (au sens étymologique) chez cet homme qui divise pour régner, se laisse idolâtrer, use de la parole comme d’un piège. […] La tension dramatique s’accroît fabuleusement au fil des pages…
Jean-François Grégoire, 20 février 2012

C’est d’une drôlerie irrésistible. Et d’une férocité non moindre. Pas un mot de trop. En même temps il y a une grande mélancolie sous-jacente, qui ne dit pas son nom. La solitude de ces femmes, leur soif d’amour. Les voilà vengées par toi. Bravo. 
Caroline Lamarche, 3 février 2012

Depuis le matin, j’ai lu ton livre d’une seule traite, avançant, subjugué, dans la fascination d’Élisabeth pour le Père Constantin. […] Cet homme est un mirage et une icône. Son regard bleu éblouit, hypnotise, paralyse. […] Élisabeth le suit, accepte le « divin vagabondage ». Sa vie est devenue rêve de lui, fantasme de lui, désir et frustration. […] Étrange trouble jusqu’à ce soir. Peut-être aurais-je voulu être Constantin qui aurait vraiment désiré Élisabeth, sans Dieu et pour elle-même. Qui se serait perdu (sauvé ?) pour elle.
Jacques Sojcher, 25 mai 2012

Te dire encore combien j’ai éprouvé du plaisir à lire ton Ravissement des femmes dont l’écriture m’a tenu en haleine jusqu’aux dernières pages alors même que tout était (presque) dit à la seconde page ! Et c’est bien là qu’on reconnaît à mon sens la réussite d’un livre. Bravo !
Yves Namur, 11 août 2012


Extraits de presse

La romancière qui nous a peut-être le plus surpris cette année, c’est Corinne Hoex. Le ravissement des femmes ouvre une brèche nouvelle dans son parcours. Excellente poète par ailleurs, elle avait jusqu’à présent usé de la prose comme d’une hache qui brise la glace des psychoses familiales. Ici, sur un mode plus léger, elle traite de l’aliénation métaphysique dans une société à la dérive, et d’un étrange avatar de la guerre des sexes, qui ressemble, conformément au vaste formatage des esprits si typique d’aujourd’hui, à l’intoxication mentale qui est la première méthode des tyrannies contemporaines. En d’autres termes, ce livre est plus politique qu’il n’en a l’air.

Jacques De Decker, Espace Livres, 13 novembre 2012

Une œuvre romanesque qui vient d’atteindre un nouveau stade dans sa maturation, un travail poétique qui lui aussi s’affirme dans l’originalité et la maîtrise : sur ces deux plans, Corinne Hoex s’affirme comme une figure majeure de notre littérature.
Après plusieurs récits qui relevaient d’une sorte d’aggiornamento familial, et qui avaient été inaugurés, il y a douze ans, avec Le Grand Menu dont l’évidente maîtrise n’avait échappé à l’attention de personne, ont suivi deux récits qui poursuivent la chronique presque clinique de ce qui tient de la psychose collective, Ma robe n’est pas froissée et Décidément je t’assassine, constituant ainsi un triptyque d’une rare homogénéité.
La parution, l’an passé, du Ravissement des femmes (chez Grasset), a ouvert une nouvelle voie dans une œuvre placée sous le signe de la lucidité sans concessions. Ce roman dont l’acidité satirique n’est pas absente tient de la description de mœurs et du constat d’un malaise idéologique dans notre société désenchantée. Il préfigure d’autres développements dans une œuvre dont l’épanouissement donne plaisir à voir, y compris sur le plan poétique. La parution toute récente, au Cormier, du recueil Celles d’avant vient de l’illustrer.

Jacques De Decker, Site de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique,
à propos de la remise (le 16 mars 2013) du Prix Félix Denayer 2012

Le désordre des êtres est dans l’ordre des choses, s’amusait à répéter Jacques Prévert. Tous les êtres, y compris ceux qui sont dans les ordres ? Que la chose « divertit » au même titre que les êtres ordinaires ? À lire la délicieuse et coquine Corinne, il faut croire que tous nous y sacrifions, hommes autant que femmes forcément, puisque les premiers s’égarent à cause des secondes qui fautent à cause des premiers.
C’est donc l’histoire d’un ecclésiastique qui n’a pas son pareil pour parler de la Présence, du Parfum de l’Être, de l’Embrasement, du Très haut Amour… d’une manière si suave, si accrocheuse, si persuasive que pas une de ses auditrices ne peut résister à son charme liturgique. Y compris la très libre Elisabeth : quarante-cinq ans d’expérience et de détachement progressif des pièges de l’existence. Mais à celui-là elle fera ce qu’il faut pour succomber, parce qu’avec son look de christ il l’intrigue autant qu’il l’indispose, parce qu’il est ardu et enivrant en même temps de faire tomber un homme supérieur, un maître, un gourou, un gourou de scène qui s’y croit, un père total, un Père majuscule. Le père Constantin en personne. On aura peut-être reconnu un de ces orateurs brillants et pénétrants qui ont ce don rare de subjuguer, autant par leur langage que par leur plumage, une salle d’auditrices plus fidèles que les Dames du temps jadis à leur chevalier. Le hic, c’est que l’homme de Dieu possède un verbe qui se fait chair (et cher) à la moindre occasion et ne s’en prive guère, enfilant chacune à sa manière selon le degré d’adoration et de soumission qu’elle manifeste. L’intérêt pour le lecteur du roman est de s’interroger sur la stratégie que le divin orateur va employer pour répondre à la troublante complicité adoptée par l’attirante quadragénaire et la faire choir dans son bénitier intime. Nous n’en dirons pas davantage pour ne pas gâter votre ravissement… Le livre est joliment troussé, parfaitement ironique et blasphématoire, partagé en brefs chapitres et menues phrases comme autant d’œillades que le dom Juan des sacristies a l’art de lancer à ses victimes, ses fêlées, ses noyées, ses pom-pom girls religieuses, comme Corinne Hoex les désigne si tendrement… On l’aura compris, si l’auteur fait dans la dentelle sur son écritoire, en revanche elle mélange hardiment et sans beaucoup de nuances les prêtres, les maîtres à penser, les guides spirituels, les animateurs de sesshins, les enseignants de robes et de sectes multiples, les psychothérapeutes, les directeurs de conscience, les exorcistes, les confesseurs, les moines, les laïcs de toutes obédiences, l’engeance au grand complet et fort répandue de nos jours des beaux parleurs, des doctes manipulateurs qui endoctrinent si facilement les sangsues collées à leur autel, divan ou autre zafu.
Constantin est une icône… nous assure Elisabeth. Mais, comme lui répond vertement sa mère, toutes les femmes ne sont pas des cruches et plus d’un homme s’efforce d’être normal… Parole de sage femme qui nous ravit !

Michel Ducobu, Reflets Wallonie-Bruxelles, n°33, juillet-août-septembre 2012

Dans le piège. Lisa comprend-elle ce qui lui arrive ? À 45 ans, elle, si disponible pour la quête de livres rares, d’autographes et d’éditions originales, s’enrôle volontairement dans la cohorte des admiratrices d’un inquiétant gourou. Face au Père Constantin, toutes exhibent « le blanc de leurs yeux vides, cette albumine d’œufs pochés dont se parent les regards qui perçoivent l’invisible ». Lisa n’est pas dupe de cette machine de guerre, ce « mensonge stratégique » qui draine les espoirs en friche. Pourtant elle succombe et son regard sans indulgence ne parvient pas à la préserver du piège. Jusqu’où ?

Jean-Philippe Catinchi, Le Monde des Livres, 13 au 19 juillet 2012

La belle et le gourou. Soumission initiatique d’une belle quadra à un tartuffe qui joue les ascètes. Poète et romancière, la Bruxelloise Corinne Hoex attire l’attention sur sa voix singulière depuis 2001, depuis Le Grand Menu […] où, avec la lucidité sans faille de l’analyste, elle mettait en scène une enfant trop sage des Sixties, ignorée par une mère à l’indifférence glacée, tyrannisée par un père maniaque et abruti. Dans son dernier roman, Le Ravissement des femmes, elle abandonne ce thème des rapports familiaux pour décrire, non sans humour, les émois d’Elisabeth, quarante-cinq printemps, sans mari ni progéniture, collectionneuse de livres anciens et d’amants éphémères. Nous la suivons d’Arles à Perpignan, alors qu’elle se met à fréquenter Bathilde, Marie-Hélène, Adrienne, toutes toquées du Père Constantin, sophiste mitré au regard d’améthyste et à la voix de bronze, qui n’a pas son pareil pour attirer dans ses rets de (riches) esseulées avides d’illuminations. Un gourou donc, suivi de dociles ménades qui paient cher — et comptant — le privilège de se prendre pour Hildegarde de Bingen tout en suivant des stages de développement personnel aux intitulés prometteurs : La Cime et l’Abîme, L’Extase du Cœur et autres Sources Pérennes. Pourtant vaccinée par une mère anticléricale, Elisabeth ira jusqu’au bout de son « calvaire », jusqu’à une sorte de baptême, disons hétérodoxe. Le style, rapide et sec, bellement ponctué, souligne la cruauté de l’analyse et l’on suit Elisabeth au galop — mais sans grande surprise — dans sa soumission initiatique à l’ascète amateur d’hôtels de charme, de moelleux peignoirs et de soupers fins.

Christopher GérardService Littéraire, juillet-août 2012, Quolibets, Éditions L’Âge d’Homme, février 2013 et Les Nobles Voyageurs, La Nouvelle Librairie, 2023

À qui perd gagne. La longue parenthèse entre L’Olivier (2001) et Grasset (2012) a permis à Corinne Hoex d’affirmer et d’aiguiser des qualités qui l’installent au premier rang des romancières de son pays. Elle fait merveille avec l’histoire de Constantin, éblouissant gourou au regard bleu, à l’égarante dimension mystique. Le fond de commerce — inépuisable — du beau ténébreux : les femmes accablées de solitude, disposant d’une confortable aisance financière. Sa voix profonde les caresse, son éloquence les hameçonne, sa chevelure romantique leur met le feu aux joues, ses yeux phosphorescents les troublent intensément. Ces dames se disputent la faveur de lui être agréable. Nouvelle venue, Elisabeth, 45 ans, sans entrave d’aucune sorte, est d’abord intriguée par le manège, avant de se sentir subtilement happée par le jeu du Père Constantin, tout de distance savamment calculée, de noli me tangere volontairement porteur des espoirs les plus déraisonnables. Il tutoie ses fidèles. Il leur accorde des entretiens particuliers qui enflamment les fantasmes des condamnées à l’attente. Il promène avec componction sa vanité si bien courtisée.
Constantin adopte avec Elisabeth ce vouvoiement qui instaure la distance en même temps qu’il suggère l’embrasure du désir. Il parvient à la persuader de l’accompagner dans une tournée de conférences, à charge pour elle de choisir et réserver les confortables points de chute d’un possible flirt théologique. À chaque fois qu’apparaîtra la note, Constantin, modestement, détournera les yeux. Entre toutes les femmes de Dieu, il voue un culte particulier à Sainte Carte Bleue.
Puis il s’invite à Ramatuelle, où Elisabeth possède une superbe propriété secondaire. Pour une lune de miel platonique ? Pour une descente vertigineuse dans l’hypnotisme de la frustration ? Pour une aléatoire danse avec le danger ?
Par cette parabole du ravissement féminin allant nus pieds sur le fil du rasoir, Corinne Hoex donne un roman de maturité, tendu à l’extrême, où l’attente rend la nuit plus obscure, où le moindre mirage d’espoir convoque un noir lumineux. La cavalcade du désir martèle les tempes l’Elisabeth. Tous ses sens espèrent une charge victorieuse emmenée par Grouchy, en même temps qu’ils redoutent l’apparition de Blücher.

Marc Emile Baronheid, BSC News, mars 2012

Prêcheur et pécheur, même combat. Les voies du Seigneur sont sans doute impénétrables. En tout cas, bien Malin est celui qui dira pourquoi il laisse s’agglutiner un essaim de groupies, mystiques et mystifiables à volonté, autour d’un prédicateur aux yeux magnétiques et à la voix grave et caressante. Il s’appelle Constantin, sa prochaine conquête sera Elisabeth, on le sait d’avance, mais il y a toutes les autres qui l’ont précédée et la jalousent déjà, celles qui vont lui succéder et celles qu’on ne fait qu’entrevoir, cheveux au vent dans une décapotable. Corinne Hoex, d’une plume d’une précision chirurgicale et avec l’allégresse vengeresse qu’on imagine provenir de quelques plongées dans le spirituel tendance New Age, crée une réjouissante collection de personnages décoiffants : bigotes dévouées âme et corps, grenouille de bénitier prêtes à tout pour devenir princesses de leur prêtre-gourou si persuasif ; jusqu’à un vieil évêque, crado juste ce qu’il faut et fétichiste des reliques. Comme souvent chez l’auteur, l’héroïne est l’enfant d’une grande bourgeoise, joueuse de bridge et de whist (on est dans le meilleur des mondes, maison à Ramatuelle et séminaires dans le Midi), peu encline au contemplatif et qui ne cesse de répéter à son héritière qu’elle va finir par se faire… Baptiser, c’est cela et, pour tout dire, de deux manières, ma foi fort différentes et qui ne laisseront chez Elisabeth aucune extase. Le ravissement des femmes s’arrêtera là, la messe est dite. L’hostie fond un peu vite en bouche, les personnages découpés au scalpel restent en quête d’un miracle mais, pour le coup, Corinne Hoex est éditée chez Grasset et poursuit sa progression. Chacun de ses livres est meilleur que le précédent.

Stève Polus, Wolvendael Magazine, avril 2012

Corinne Hoex nous avait habitués à des histoires fortes, emplies de mystère et de cruauté. Attention, on change de genre. Le tranchant fait place à l’ironie. Le règlement de comptes au désir. Celui d’Elisabeth pour le père Constantin, aux yeux fiévreux, quasi violets. Une belle histoire, qui mûrit lentement sous l’écriture précise et fascinante de Corinne Hoex.

Jean-Claude Vantroyen, Le Soir, 29 février 2012

Une liaison dangereuse. Corinne Hoex publie […] un roman étonnant, Le ravissement des femmes, qui sort en ce début d’année chez Grasset […] Le roman relate une étrange histoire de séduction, sous couvert de conversion vertueuse qui provoque chez la séduite toute une série d’effets, de l’extase au plaisir d’une « lune de miel platonique », d’un « flirt théologique ». Si l’on se réfère au sens multiple du mot ravissement, c’est bien d’une telle emprise qu’il s’agit. Rapt, capture, envoûtement, mais aussi charme, plaisir : serait-ce tout simplement le jeu du pouvoir qu’un homme exerce si facilement semble-t-il sur des femmes disponibles et attirées par lui, pour toutes sortes de raisons, ou pour aucune ? Constantin est prêtre, bel homme au regard fascinant et il subjugue, lors de séances de prêche inspirées, des légions de fidèles, féminines pour la plupart. La narratrice, Élisabeth, ou Lisa, comme elle tente de se présenter d’abord, façon de se tenir en retrait, se rend comme par curiosité à une conférence du Père Constantin, qui parlera de La Présence. Cette femme, que n’encombre aucun mari, ni aucune progéniture, a vécu, connu des amants de passage, mais n’a « aucun attachement ». Cette attention qui la pousse vers le prêcheur aux yeux bleu-mauve si troublants sur la photo d’une affiche, relève de son goût pour l’exotisme, mais aussi d’un désir d’entracte et de nouveauté, sinon d’un attrait sensuel. Commence dès lors une aventure hors du commun, que nous livre le récit d’un ravissement, en effet, dont nous suivons toutes les étapes selon un subtil cheminement, quand la progression d’une passion bientôt submergeante semble se confondre avec une ivresse sacrée. Pourtant des à-coups de raison et des regards de plus en plus lucides sur le personnage du séducteur freinent une possible conversion. Face à ces états troublants, une fois encore, chez Corinne Hoex, c’est la perception intime de la narratrice qui domine et oriente la narration. Ce sont les émotions qu’elle éprouve, les questions qu’elle se pose qui intéressent et étonnent, à la mesure de ces effets qu’elle ne soupçonnait pas et qu’elle n’identifie que peu à peu. Il y aurait d’ailleurs du thriller dans cette progression animée qui varie les lieux et les situations.
Corinne Hoex a changé de registre avec ce roman. Elle aborde une problématique nouvelle, sans toutefois rejeter totalement les thèmes de ses récits précédents. Qu’elle traite aujourd’hui d’une préoccupation spirituelle, la question de la foi chez quelqu’un qui en a été tenu éloigné par l’éducation et même par choix, elle recourt au rationnel pour décrire les excès et le ridicule des dévotions exubérantes. Mais cela participe surtout d’un dispositif littéraire car elle concentre l’attention sur une femme parmi les autres. Elle fait de cette aspiration qui anime celle-ci un objet de passion, aveugle ou aveuglée, mais dont elle nous détaille tous les moments de ravissement, même les plus improbables. Certes, l’arrière-fable familiale demeure, discrète ou limitée aux téléphonages maternels, perçant le récit comme des éclats de bon sens, malgré tout.
C’est le quant-à-soi de la narratrice qui touche car il donne lieu à un déploiement de clairvoyance, de critique, d’humour. Voire à un réquisitoire déguisé, contre les prêcheurs, gourous, prophètes, escrocs de tous ordres, peut-être même contre les hommes enfin ! Demeure l’exquise analyse d’une sensibilité féminine qui se dévoile par le menu et surtout dans le registre privilégié de la poésie que célèbrent au final le retour à soi et la pleine jouissance de la nature et de la beauté.

Jeannine Paque, Le Carnet et les Instants, n°170, février-mars 2012

Saisissant désir.
Le Ravissement des femmes de Corinne Hoex s’ouvre sur un personnage déjà saisi. Celui-ci — celle-ci, en fait — court les corridors d’un couvent. La vocation, toutefois, n’a rien d’ecclésiastique. Le désir l’agite et l’emporte ; il l’invite à l’abandon, aussi.
La première phrase du roman décrit l’entrée d’Elisabeth dans le couvent. Celle-ci en ressortira-t-elle jamais vraiment ? Car, à la dernière page, le récit ne la quitte-t-il pas dans « cette maison (qui) est son refuge(,) (s)on monastère à elle » ? De la chapelle encensée, des Christs plâtrés du couvent au lierre iodé et à la vigne marine du monastère, un second franchissement a pourtant redoublé le premier. Ou plutôt un unique périple à travers le défilé des saintes effigies, des allégories angéliques et des figures mariales — dont le corridor du couvent se fait la tapisserie —, un unique périple a-t-il abouti. Elisabeth, « la demeure de Dieu », « celle en qui Dieu rêve », flirtera avec le Père. Elle se laissera voir — sera vue —, se laissera effeuiller.
Or, « l’existence ne devient vraie qu’au jour où on la raconte ». Dans cette optique, que le Ravissement des femmes mette en mots le saisissement dont Elisabeth fait l’objet concourt à avérer l’existence de ce personnage pétri par le désir. Désir, absence, poésie — il n’est en effet question de rien d’autre. Tout commence, on l’a dit, quand Elisabeth pénètre entre les murs sacrés. Saisie plus qu’intriguée, elle ne tente pas de résister au charme de l’énigmatique regard bleu qui l’envoûte, saillant depuis cette affiche : « Samedi 23 novembre, 10 à 17 heures, Couvent des Sœurs de la Charité, le Père Constantin vous parle de La Présence ». S’ensuivent l’intrusion dans le cénacle des fidèles amoureuses de l’orateur, l’enlèvement — « quelque chose en moi ne m’appartenait plus », prévient l’une des fidèles —, l’embrasement spirituel, pour ainsi dire en volutes, d’Elisabeth et du Père. Le ravissement la déborde.
Le saisissement
Une conférence intitulée la Présence, donc. « La Présence est plus loin. Au-delà des couloirs. Au-delà de ces flèches toujours réitérées. La Présence requiert qu’Elisabeth avance. » D’une part, la Présence mène au-delà ; d’autre part, elle requiert. Bien sûr, la conférence, en tant que telle, ne réclame rien. Son noyau, en revanche, ce qui la soutient sans soi-même se dévoiler, conjoint le franchissement au saisissement. « Un autre Père l’attire. Un Père majuscule. » Pas question cependant pour Elisabeth de « se soumettre au divin recrutement ». Elle s’accorde plutôt un entracte, « un moment hors du temps », qu’elle décide de consacrer à ce mystérieux Père Constantin. Elisabeth graviterait-elle déjà au-delà — des corridors, de la route balisée et, surtout, de la course du temps ?
À l’intérieur, Constantin subjugue son assistance : « Autour d’(Elisabeth), un monde pétrifié qu’un sortilège envoûte. […] Le visage offert en direction de l’estrade ». Par son regard, le tribun des « légions de la Présence » suscite le tressaillement. Il happe, aussi, s’empare de chaque face qui s’offre. À tel point qu’Elisabeth finira par sentir, par voir à travers lui : « Elisabeth à présent ne pose plus les yeux autour d’elle sans voir ce que Constantin verra ». Aucun doute, la Présence requiert. Les légionnaires de Constantin s’injectent un peu de son aura, elles s’imaginent remédier à ce qui dans leur vie fait défaut, substituent le vain prédicateur à la case vide : « Elles demandent du rêve. Elles aiment un absent. Ces stages sont leur bouée. Mais, en réalité, elles se noient. Ce sont des noyées ». L’icône ne masque rien ; elle exacerbe au contraire son statut artificiel. « D’ailleurs, tout ce qui touche à Constantin est du spectacle. » Voilà le ressort de la mécanique séductrice : le vide qui fascine ces femmes — et les ravit à elles-mêmes.
Absence, poésie, désir
Encore faut-il bien admettre que vide n’est pas absence. Partant, le désir que mobilisent le vide et le manque ne recouvre pas le désir de l’absence. Point de soif d’objet, mais une passion de l’au-delà de cet objet. En ce sens, Dieu « est un dieu d’absence, de poésie, de désir ». Le désir d’Elisabeth se déploie à mille lieues des fantasmes dont se gavent les autres femmes. Dans les soubassements de la parole — le silence —, dans le creux du rêve. D’ailleurs, ce que Constantin « goûte au-delà de tout, c’est le silence. Les moments d’intuition où l’on touche à l’ineffable. La suspension du temps. […] Le langage ne décrit rien, ajoute-t-il. Il ne fait que soupirer pour que les choses soient. Le croyant, l’amoureux, le poète se ressemblent. Ils cherchent les traces de l’Invisible ». Elisabeth désire-t-elle autre chose que l’Absent, celui-là qui se présente dans le silence, c’est-à-dire dans le battement de la parole, dans le souffle de la voix poétique : « Le silence qui vibre au cœur de toute chose. […] Au cœur de nous-mêmes […] Vous sentez sa résonance. Sa présence particulière » ? Ainsi, croire en la poésie revient à avoir foi en Lui — « Dieu ne peut être que Poète ». Et toute païenne qu’elle se prétend, Elisabeth doit concéder combien elle se fie à l’art d’Apollinaire, de Verlaine et des autres qui jalonnent son dialogue avec le Père Constantin.
L’ambivalence du désir concerne aussi bien le rêve. Certes, chacune des fidèles du saint guide « a bricolé son mirage autour de lui ». Néanmoins, son prénom désigne Elisabeth comme « celle en qui Dieu rêve ». Encore une fois, l’au-delà de la ligne appelle — requiert — la femme de désir : son « âme voyage là-bas ». C’est que, fondamentalement, vide et absence polarisent le désir selon des spectres qui leur sont propres.
Présence
Si bien que la Présence saisissante accepte de se décliner en termes d’absence — cette « présence particulière ». Le Père majuscule, dont on sait la présence diffuse, insaisissable, invisible et ineffable, ce Père qui s’est absenté — par contraste avec le vide — capture Elisabeth dans son champ. Celle-ci désire l’Instance autant que l’Instance la réclame. Or le Père et Constantin se confondent. Les travaux de ravissement, de saisissement se poursuivent. La passion — celle que l’amoureux subit — gagne : « Ah bon, Elisabeth ! Vous voulez trouver Dieu ! Mais on ne trouve pas Dieu ! C’est Dieu qui nous trouve » ! Voir et être regardé ; tel est l’élan spiral qui emporte la prétendante.
Et si, dans une sorte de fusion avec le saisissement qui l’empoigne, Elisabeth caressait des hauteurs ahurissantes ? L’abandon au Désir et au Rêve se retournerait-il en une éclatante révélation ? À cet instant, l’Absent, le Poète gonfle l’air autour d’elle : « Elisabeth est donc une main effleurée. Elle n’a ni corps, ni chair, ni sexe. Elle est l’inaltérée. Elle est l’infranchissable. La toujours mystérieuse. La toujours désirée. Constantin lui offre un flirt théologique. Elle, une madone. Lui, l’ange descendu du ciel. Ensemble, une Annonciation ».
Le dessaisissement
Le saisissement culmine : « En ce moment, ils s’appartiennent, ils s’appartiennent absolument ». Le désir se tend à l’extrême ; l’abandon au ravissement s’engage dans un accès indécis, encore jamais atteint. Ainsi du torero dans la feria : « Le corps à corps avec le risque. Eux-mêmes, (Elisabeth et Constantin,) sans doute, dansent avec le danger. Elle et lui ont leur bête. Ils la cherchent, la provoquent, habiles à éblouir, à fasciner, à prendre ». Tel serait donc le désir ? Un corps à corps périlleux, au risque de soi, au terme duquel s’interrompent les artifices du spectacle. L’abandon au saisissement est dessaisissement — mise en jeu de sa propre assise. Qu’advient-il de l’Instance dans ce dessaisissement, pour Elisabeth ? La Présence lâche-t-elle finalement son nom ?

Guillaume Willem, Indications, n°393, juin 2012

Élisabeth est athée de vieille lignée. Elle a grandi dans une famille où l’idée même d’avoir une âme ou de discuter à table de Platon met en danger la digestion du père. « C’était un être délicat. Ce qui distinguait psyché et pneuma perturbait dangereusement le métabolisme de ses fonctions gastriques. » Aucun risque, en principe, de se laisser embrigader dans un mouvement sectaire. Un visage sur une affiche suffit cependant à la faire pénétrer aux sermons de Constantin. Un être étrange. Une « Présence barbue aux yeux diablement mauves ». En tombe-t-elle amoureuse ? Ce n’est pas aussi simple.
Il y a d’abord de l’intérêt sociologique, sinon ethnographique, pour la jeune femme bombardée dans un univers à part. Pour le plus grand plaisir du lecteur, elle décrit avec un humour pince-sans-rire ce « monde pétrifié qu’un sortilège envoûte ». Le public passif devant un spectacle qui n’est finalement pas plus idiot qu’une émission de variété. « Ce sont des contemplatifs : ils regardent la télé. » Un évêque orthodoxe dépassé par les événements et qui serre son « doudou » : une mèche de cheveux de Marie-Madeleine. Des groupies rebaptisées de noms invraisemblables, Thècle, Bathilde, Abigaëlle, « imitant à leur manière les danseuses du Crazy, les Lolo Vesuvia, les Etna Volcano, les Nina Stromboli ». Cela nous vaut des passages d’une ironie cinglante, des morceaux de bravoure épiques, comme la longue et méthodique énumération des « stages de la concurrence ».
Cela pourrait s’arrêter à une aimable satire voltairienne des sectes évangéliques. Cela va un peu plus loin. D’abord, parce qu’Élisabeth, sans se laisser laver le cerveau (ou, pour reprendre l’expression imagée de Corinne Hoex, sucer la cervelle à la paille par le Dieu peint au plafond de la coupole), suit Constantin dans toutes ses conférences, ses retraites, puis sa vie intime, et restera dans son entourage à la fin du roman. Lucide et apaisée. Le coup de génie a été de les faire rencontrer sur le terrain de la poésie, réciter Baudelaire en alternance, comme une évidence. « Vous croyez en la poésie. C’est la même chose. Dieu ne peut être que Poète. » Cela donne un autre tour à leur relation, faite de complicité et de distance ironique vis-à-vis de la spiritualité faisandée du groupe. Avec une athée qui n’attend pas de lui une révélation foudroyante, Constantin échappe à son personnage, redevient un homme à petites manies, comme les autres. « Accordez-moi, vous au moins, un peu de légèreté », lui dit-il quand elle sourit de sa kleptomanie hôtelière – il collectionne les savonnettes et les mignonnettes du minibar… Cela donne un peu de tendresse aux personnages.
Élisabeth finit par se faire baptiser, à l’huile d’olive extra-vierge, première pression à froid, et au sel de Guérande, parce que tout de même, c’est un grand jour. Constantin finit par coucher avec elle, puis par l’abandonner, comme Barbe-Bleue, dans sa collection de groupies, parce qu’il n’est pas question, non plus, de résumer à un banal coup de foudre les rapports complexes entre les deux personnages. Cela donne un roman plaisant, au ton juste, à l’humour efficace, sans pour autant apporter une dimension lourdement sociologique au phénomène des sectes.

Jean-Claude Bologne, Lectures Récentes, 2012

Elisabeth, 45 ans, est attirée par « un Père majuscule » : « Le Père Constantin vous parle de La Présence » […] Et pourtant, « Constantin ne parle que d’absence, de poésie, de désir ». Le thème des profiteurs et des pigeons nous embarque dans une aventure incroyable, mais si vraie, car elle touche surtout les êtres fragiles : nous assistons ici à une forme de secte où le gourou est le guide dont on ne peut plus se passer : beau et belle présentation, du charisme à n’en plus finir, des idées plus ou moins révolutionnaires up to date, un coaching individualisé… Faites un cocktail de tout cela, agitez bien et vous transformez une personne X comme si elle était tout à coup l’attraction universelle incarnée, le « messie » que vous attendiez, le pôle vers lequel converge tout un public – surtout féminin, en manque de compassion, de sensation, d’écoute […]
Ce roman se lit avec avidité tant l’écriture de Corinne Hoex est sublime et porte son thème sur les abus de pouvoir au firmament. Dans Décidément je t’assassine, n’avait-elle pas déjà décrit l’emprise incroyable qu’avait une mère sur sa fille, même au plus fort de la maladie ?
Un livre qu’il faut recommander absolument ! Un auteur qu’il faut suivre à tout prix !

Patrice Breno, Traversées, 17 mai 2012

Les tartuffes sont toujours de ce monde. C’est ce que montre Corinne Hoex de la plume si magnifiquement ciselée qu’on lui connaît dans Le ravissement des femmes, tout dernièrement paru chez Grasset. Corinne Hoex, sans doute la plus belle plume de Belgique, en passant chez un des plus grands éditeurs français, ne quitte pas la thématique qu’elle abordait dans ses romans précédents : l’abus de pouvoir dans la relation parents-enfant. Sauf qu’il s’agit ici de paternité spirituelle, et que cet abus de pouvoir est dénoncé avec l’amusement d’une ironie qui en gênera certains, et parfois la dureté délicieusement injuste du pamphlet.
Le titre évoque assez ce qui peut être de l’ordre du rapt, de la prédation, mais aussi de l’extase érotique ou mystique – entre menace et jouissance. Où nous suivons Elisabeth, 45 ans, spécialiste de livres rares, rejoignant un essaim bourdonnant et adorateur de femmes à la suite d’un Père Constantin au regard mauve et magnétique, « maître » spirituel très charismatique proposant du nord au sud de la France, de couvent en monastère, des stages de spiritualité baptisés La Présence, L’Ultime et l’Intime, L’Embrasement, ou L’Extase du Cœur.
Elisabeth est elle-même vite envoûtée malgré son regard distancié d’ethnographe ironique. Car Constantin est la drogue, la dope de ces femmes seules qui veulent du rêve, cherchent une bouée : toutes ont bricolé leur mirage autour de lui. Constantin, lui, cultive l’ambiguïté de flirts théologiques, exploite à l’envi leur besoin, se prend pour un nabab car, n’est-ce pas, le luxe dédouane de la laideur du monde – et il ne craint pas de se laisser aller à la plus basse goujaterie ou muflerie, aux abus les plus patents. Certaines ont abandonné enfants, mari, famille pour le suivre, ce « père » phantasmé, devenant les vierges (?) inépousées de cet absent magnifique. Et toujours elles paient. Elles paient contre quelques paroles ou pour se croire chacune l’élue. Ou pour un rêve de ravissement sans doute : elles tueraient le bon Dieu pour l’avoir dans leur lit.
Critique ironique des bigoteries et du besoin de guru, de certains errements New Age, et de toutes les tartufferies surtout, enturbannées ou non, cet habit qui trop souvent fait le moine. Dénonciation amusée mais acerbe du spectacle organisé autour de l’idole, entourée de ses courtisanes pas toujours si candides que ça d’ailleurs, ses adoratrices frissonnantes, et en tout cas solvables à merci.
Faut-il dire à nouveau combien l’écriture de Corinne Hoex est un régal de ciselage où chaque mot est choisi avec soin, où chaque phrase, posée avec la plus grande justesse, propose un texte étincelant – tel un minéral. Un délice langagier ravissant l’esprit ou l’oreille – puisqu’il est de ces textes que l’oralité fait davantage encore résonner.

Eric Brucher, Antipode, 16 et 18 mars 2012 et La Lettre de l’AEB, mars 2012

Une écriture tout en pudeur, tout en délicatesse, avec quelques touches d’ironie, pour mettre en scène la relation très ambiguë d’Élisabeth et Constantin. Élisabeth, 45 ans, célibataire sans enfant, passionnée par son métier dans le commerce des livres rares, aime les voyages, les hasards, les rencontres… Parfois elle s’offre une parenthèse. Quelques journées d’entracte. Un moment hors du temps. Une pause sabbatique. Aujourd’hui, cet entracte a pour décor le couvent des Sœurs de la Charité et pour objet un Père Constantin aux yeux violets.
Élisabeth, non baptisée, issue d’un milieu non croyant, va suivre le Père Constantin dans les divers lieux où il donne des conférences : Bruxelles, Genève, Paris, Tours, Lyon, Orléans, Nice… Le Père Constantin est un gourou de charme suivi par un aréopage de groupies. Armelle, Marie-Hélène, Adrienne, Marie-Christine, Marie-Laure, Mélanie, Thérèse, Raymonde… Chacune a sa fonction dans l’entourage du beau prêtre : tenir la caisse (200 € l’entrée), disposer les fleurs, vendre les livres et les médailles… Toutes ne vivent que pour les instants passés près de lui. Une sculpturale Dora, rousse ambrée, flamboyante, adroite à modeler son avantageuse plastique dans d’infaillibles fourreaux noirs. Quelques nymphes blondes aussi, une Gabrielle, une Chloé, une Bérangère, toujours ensemble comme une seule, mains fines, regards charmeurs, longs foulards, robes indiennes, bracelets de jade et colliers d’ambre, frileux lainages blancs. Elles ont essayé tous les stages de la concurrence, elles ont étudié les dix voies célestes, les douze chemins terrestres, les dix-huit positions de l’ouverture – [ici des pages d’anthologie à l’humour corrosif sur tout ce que ces femmes ont pu tester] – mais elles sont revenues. Constantin, c’est le top du top, le maître achat, le Label Rouge. Constantin, c’est la Vallée des Rois, Bénarès, Lourdes, Lhassa, Jérusalem ensemble. Constantin, ça les dope, ça les défonce, ça les allume. Constantin est cher, mais elles ont des maris qui paient.
Constantin est très beau, avec un look de Christ, cheveux longs sur les épaules, regard hanté, voix qui porte et il reçoit ses ouailles en entretiens individuels à l’issue des conférences pour les écouter, les apaiser. Il aime le luxe, les belles voitures, les grands hôtels, les restaurants gastronomiques… Quand il s’est rapproché plus particulièrement d’Élisabeth, d’autres femmes bien intentionnées l’ont prévenue : Vous vous supposez différente. Ses yeux vous le font croire. Il veut vous baptiser sans doute ? C’est son truc. Mais Élisabeth n’a que faire des conseils et des mises en garde, elle n’a plus quinze ans et elle veut aller jusqu’au bout de cette parenthèse.
Un roman très fin pour un jeu du chat et de la souris peu ordinaire où l’on ne sait pas qui mangera l’autre ni comment tout cela finira. Des pages très drôles, des pages très belles, une alternance de charme et d’ironie, un véritable ravissement.

Serge Cabrol, Encres Vagabondes, 8 avril 2012

Élisabeth est une jolie femme d’une quarantaine d’années. Sa vie se doit d’être exaltante. Son métier : les livres rares. Elle fournit quelques antiquaires parisiens, des libraires d’ancien, exigeants, passionnés. […] Sa vraie vie, ce sont les voyages. Les hasards. Les rencontres. Parfois, elle s’offre une parenthèse. Quelques journées d’entracte. Un moment hors du temps. Une pause sabbatique. Et c’est précisément ce que compte s’offrir Élisabeth quand le lecteur ouvre Le Ravissement des femmes, une pause sabbatique. Pourquoi ? Parce que, dans un magazine elle a découvert qu’un certain Père Constantin, dont on parle beaucoup, anime des stages de développement personnel, parle de Dieu, de la Présence,du Parfum de l’Être, de L’Oraison mystique… Mais Élisabeth n’est pas là pour souscrire au divin recrutement. Élisabeth est là parce que le Père Constantin a les yeux d’un bleu profond, presque violets et que ces yeux-là la subjuguent. Et, dans les pas du divin Père, elle se met en route : Élisabeth est à Genève. Mais elle ne visite pas Genève. Elle s’y trouve pour Le Parfum de l’Être. La semaine suivante, elle ne voit pas Lyon. Elle y est pour L’Ultime et l’Intime. Elle se rend à Paris, mais pour L’Embrasement. À Tours, pour L’Oraison. À Dijon, pour L’Union Mystique. À Orléans, pour L’Extase du Cœur. À Nice pour Le Très Haut Amour. – Ce n’est pas Dieu, c’est Thomas Cook ! proteste sa mère au téléphone. L’Extase du Cœur ! L’Union Mystique ! Ma fille est touchée par la grâce ! Mais, tout de même, ma chérie, ne me prends pas pour une idiote ! Dis-moi que tu t’es entichée d’un curé, ça encore, je peux l’entendre ! Mais ne viens pas me raconter que tu as attrapé la foi ! Ah, là, là ! Ma petite fille ! Ma petite fille ! Est-ce que tu ne peux pas trouver une seule fois un homme normal ? Est-ce qu’il te faut toujours des piqués ?
Si nous avons repris ce long extrait du nouveau roman de Corinne Hoex, c’est parce que c’est bien chacun de ces états que va intimement connaitre Élisabeth au cours de ces quelques semaines extravagantes – au propre comme au figuré – et parce que, oui, c’est bien le terme piqué que l’on peut accoler à ce drôle de « curé » qu’est Constantin. Les chrétiens, souvent un peu agacés, ne retrouveront dans ces pages ni leur religion, ni leurs « curés », ni leurs « pères », qu’ils soient ou non mystiques ; les autres pourront s’imaginer que le christianisme ainsi décrit n’est qu’une secte nantie de bien drôles de zigomars ; mais personne n’hésitera à classer le Constantin de Corinne Hoex parmi les gourous de la plus belle eau, fût-elle baptismale. Reste à savoir quel ravissement de femme sera celui d’Élisabeth à l’issue de sa pause sabbatique dans son Ramatuelle de rêve…
Ce qui ravit en tout cas le lecteur, c’est l’écriture de Corinne Hoex, merveilleux mélange de douceur et de piquant assaisonné d’humour, portée par cette langue à la fois dansante et limpide et qui n’appartient qu’à elle. 

France Bastia, La Revue Générale, avril 2012

Corinne Hoex est une romancière en rébellion. Depuis Le Grand Menu paru en 2001 jusqu’à Décidément je t’assassine, chacun de ses romans se dresse contre les abus de pouvoir d’individus ayant emprise sur d’autres qui leur sont attachés par des liens affectifs. Ou prétendus tels. Ici un père ou un fiancé. Là une mère. Le Ravissement des femmes tout juste paru ne déroge pas, en dépit d’un changement d’éditeur, à cette tendance émancipatrice d’une autorité à laquelle, pourtant, on souhaite plaire. On est toujours dans la mise en exergue de l’assujettissement d’êtres vulnérables à une violence qui ne s’en donne ni le nom ni l’apparence.
Cette fois, c’est le contexte qui change. La famille qui constituait le nœud des précédents récits cède le pas à une sorte de confrérie de femmes recherchant un sens à leur vie et rapprochées par une même admiration. Ou un même ravissement. Que focalise le Père Constantin. Au couvent des Sœurs de la Charité à Bruxelles, un prêtre, prédicateur de charme, subjugue par sa parole et par sa présence rayonnante quelques dizaines de personnes – essentiellement des femmes – en mal de rêve. Il est bel homme, porte la barbe soignée et le col de chemise ouvert mode, a le regard passionné et la démarche nerveuse. D’une voix envoûtante, il prononce des paroles que dément volontiers son attitude. Molière, avec son Tartuffe – ou Tartufe, les deux sont valables – avait déjà lancé une charge implacable contre les faux dévots. Corinne Hoex joue de la même partition, encore que son héros ne s’offusque pas de l’un ou l’autre sein peu candidement dévoilé.
Chacune des femmes déborde d’attentions à son égard et revendique d’être au plus près de ses attentes et de ses faveurs. Lorsqu’elles se trouvent ensemble, elles ne parlent que de lui. En réalité, elles ne s’aiment pas et se jalousent. Elisabeth, nouvelle venue et narratrice, ne reçoit pas un accueil enthousiaste quand elle rejoint le groupe. Quarante-cinq ans, le cheveu blond, pas de mari, pas d’enfant, elle éprouve le besoin de buissonner hors des routes voyageuses de sa vie habituelle. La Présence annoncée par placard publicitaire – moyennant 200 euros de participation aux frais – sollicite sa curiosité. Elle n’est pas baptisée, ne prie pas, ne cherche pas Dieu mais un Père majuscule, le sien étant mort depuis dix ans. Très vite, elle est séduite par le prédicateur et, de Genève à Lyon, Orléans ou Nice, l’accompagne dans ses déplacements. Celui-ci s’avère surtout un gourou jouant de la sollicitude et abusant du luxe que cette admiratrice – mais il y en aura d’autres – se fait un plaisir de lui offrir. D’ambiguë, leur relation se fait malsaine avant que la découverte du « Glorieux » appelé à sens électrisés se fasse moins glorieuse qu’espérée.
Ce qui gêne dans ce livre, c’est l’association suggérée mais délibérée entre un prêtre catholique et un gourou de secte. Non qu’il n’y ait pas de prêtres manipulateurs et intrusifs. L’actualité nous en révèle tous les jours. Mais l’impression de secte qui ressort ici installe une confusion dans le propos du livre. Il y a là une simplification qui dérange par la généralisation qu’elle génère. C’est d’autant plus dommage que l’écriture claire, le rythme vif, le regard acéré et le ton impertinent de Corinne Hoex donnent à ce roman une force indubitable mais qui conforte l’équivoque ressentie.

Monique Verdussen, La Libre Belgique, 5 mars 2012

Mystique trip. L’auteure belge Corinne Hoex surfe sur la vague du développement personnel et le hisse au rang d’expérience spirituelle. Voici la confession d’Elisabeth, aimantée par le père Constantin qui n’a rien d’un saint. Un chemin de croix qui mène à soi…

Kerenn Elkaïm, Le Vif-L’Express-Week-end, n°15, 13 avril 2012

Dans les romans et les poèmes de l’auteure belge Corinne Hoex, la narratrice est souvent une jeune femme ou une jeune fille exposée à des parents manipulateurs et abuseurs. Pourtant, quand on lui demande quel genre de littérature elle écrit, Corinne Hoex se demande à haute voix : « L’amour, peut-être ? L’attente de l’amour ? »
Corinne Hoex, aux textes libérés comme des âmes et ciselés comme des épitaphes, est une écrivaine qui ouvre en nous nos propres horizons, personnels et familiaux. Certes, la famille qu’elle déplume à grand coups de griffes (limées avec soin) est un gouffre ; mais on prend à la lire un immense plaisir car c’est si bien écrit, et on y palpite jusqu’au fond du ventre, car c’est si juste. Et troublant, que ce soit si juste.
Elle vit entre un coin de parapluie belge et un coin de paradis méditerranéen. Nourrie des atmosphères intimes, grises et venteuses de la mer du Nord, elle a aussi en elle les vignobles salés et les pinèdes dévalant les collines vers l’eau bleue. Elle dit « en poésie » comme on dit « en Avignon » : avec délicatesse. Elle dit « dans mes romans » : lorsqu’on les a lus, on les pense évidents, et on se rappelle à grand peine l’époque floue où on ne les connaissait pas. Je la rencontre à la lisière de tous ses mondes, et le dialogue est un plaisir : Corinne Hoex aime parler de ses livres. L’écouter n’est pas un dévoilement mais un étoffement supplémentaire, un empiècement que l’on rajoute à une série de textes eux-mêmes découpés comme des bombes miniatures, avec une précision d’orfèvre. Pas de frivolités, ni de bordures dentelées et tant pis si on s’y coupe comme avec du papier trop fin, car on y aura pris goût. […]
L’abus de pouvoir, de manière plus générale et moins strictement familiale, est aussi la matière première de son dernier roman Le Ravissement des femmes. « Le Père Constantin prend le pouvoir sur des femmes adultes, par la manipulation, plus perversement que le père du Grand Menu, qui est dans la violence de l’autorité parentale. Dans les deux cas, il s’agit d’un abus de pouvoir paternel d’un homme qui bouche tout l’horizon. La petite fille du Grand Menu ne peut pas désirer autre chose. Dans Le Ravissement des femmes, le personnage principal, Elisabeth, se trouve face à un père qu’elle souhaite séduire. Le jeu l’amuse d’abord. Elle croit qu’elle sera l’élue. Elle veut attirer à elle l’homme qui aime Dieu et veut rivaliser avec l’absolu. Elle va très loin dans ce flirt avec la prise de pouvoir, mais très vite elle déchante. »

Sabine Panet, Filiatio, n°11, septembre-octobre 2013

Un livre très attachant à lire cet été. Une histoire de séduction et d’amour qui fait la part belle à Saint-Tropez et ses alentours.

Pascale Pleu, Var-Matin, 10 et 13 août 2012

Dès les premières pages, le lecteur découvre une passionnante histoire d’amour et de séduction, mettant en scène un gourou de charme au magnétisme redoutable.

Eric Tognolli, Le Tropézien, n°77, août 2012

Étrange roman sur le mystère de la fascination et la perte des certitudes.

Michel Paquot, Vers l’Avenir, 1er mars 2012

Dans une langue épurée, Corinne Hoex pose la question du libre-arbitre et de sa perméabilité.

Michel PaquotTel Me Mag, n°8, mars-avril-mai 2012

On suit avec plaisir le travail de la Belge Corinne Hoex depuis son bouleversant premier roman, Le Grand Menu, où elle narrait comment, à force de frustrations et de blâmes, on peut casser une enfant à jamais. Puis vinrent, dans le même esprit, Ma robe n’est pas froissée et le très fort Décidément je t’assassine. Le Ravissement des femmes raconte comment un homme au regard fascinant et à la voix hypnotique, Constantin, plonge toute une assemblée de femmes sous sa coupe. Il les ravit, ça oui, mais dans le sens sublime du terme. Gourou en développement personnel, il va mener auprès de chacune une grande entreprise de charme. Jusqu’à ce que celui-ci se brise.

Anne Boulord, Gaël, avril 2012

J’imagine que Corinne Hoex, un beau jour, s’est mis en tête de vivre une belle histoire d’amour. Et, comme elle est écrivaine, de se la raconter comme on se raconte des histoires. Alors, elle a choisi dans un catalogue des genres d’hommes qui, le temps d’un roman et d’une romance, pourraient convenir. Et elle a jeté son dévolu sur Constantin, un bel homme (tant qu’à faire), à la belle prestance, aux beaux yeux bleus, aux longs cheveux blancs bouclés, plein de charisme qui plus est. Cet homme n’est pas n’importe qui : c’est un gourou d’obédience catholique qui donne des conférences auxquelles assistent ses nombreuses admiratrices et secrètes amoureuses. Dont l’héroïne de Corinne Hoex, Elisabeth, très spirituellement sceptique au départ, et à laquelle Constantin n’est pas insensible. On n’en est pas moins homme, comme dirait l’autre. Elisabeth le suit un peu partout, dans le Midi notamment, et lui paye chaque fois le gîte et le couvert, car ce monsieur a fait vœu de pauvreté, mais pas exactement de frugalité… Il y a de la midinette chez notre auteur qui réveille ce même aspect chez le lecteur. Et puis nul doute, c’est mieux écrit qu’un Harlequin.

Henri Raczymow, Regards, avril 2012

Les stages de développement personnel, très dans l’air du temps, sont le prétexte à ces ravissements féminins, dont le « héros » joue et captive tellement. Un roman qui s’ouvre et ne se ferme qu’après un ravissement dont l’auteure a le secret.

Marie de Ré, World Periodical Press News, mars 2012

Auteur de plusieurs romans intimistes à l’écriture tendue, dont Ma robe n’est pas froissée, prix Indications du Jeune Critique en 2008, Corinne Hoex ne laisse jamais son lecteur indifférent. À la frontière de l’autofiction, elle porte sur le monde de la famille un regard sans concessions. Ce nouveau roman semble prendre une nouvelle route, tout en continuant à ausculter les rapports de domination et de perversion.

Indications, n°391, février 2012

Quarantenaire célibataire et très aisée, Elisabeth se rapproche par désœuvrement du père Constantin, un prêtre et conférencier mondain, avec un groupe de femmes à sa dévotion. Elisabeth comprend très vite que le prêtre agit comme un gourou qui assoit sa domination sur ses ouailles en se refusant à la plupart d’entre elles, sauf les plus riches et les plus généreuses.

Livres de France, janvier 2012

Chez Corinne Hoex, il est souvent question d’assujettissement, d’emprise sur les plus vulnérables et de rébellion. Rompant quelque peu avec son univers habituel, il ne s’agit pas ici de l’univers familial mais d’un genre de confrérie féminine en quête de sens. Corinne Hoex nous offre avec Le Ravissement des femmes un roman troublant, sur la puissante fascination qu’un orateur, au charme redoutable, exerce sur des femmes qui ne demandent qu’à être ravies…

Librairie Graffiti, 21 mars 2012

Elisabeth est une femme indépendante, non croyante, qui va entreprendre, par une sorte de défi, de séduire le Père. […] Elisabeth n’est pas prise, elle garde la maîtrise du jeu, elle joue avec le danger. On le voit, un roman un peu ambigu, comme ses personnages, et une peinture à l’eau-forte. Et une œuvre — je parle ici de l’ensemble de l’œuvre de Corinne Hoex — qui nous réserve encore bien des surprises.

Nos Lettres, mars 2013

Le pouvoir et les sortilèges. Au sud de Bruxelles, où elle vit depuis plusieurs années, la Belge Corinne Hoex poursuit son exploration de l’inconscient féminin. Elle décortique le pouvoir, l’assujettissement et la possible rébellion. Chevelure rousse, abondante, regard vif, interrogateur, le verbe acéré, l’écrivaine bruxelloise se joue des codes. Elle slalome entre l’intime et l’absolu, conjugue légèreté et densité, s’emballe à l’évocation du Ravissement des femmes, son quatrième roman paru chez Grasset, qui sonde les arcanes de la fascination d’Elisabeth pour un prêtre de charme. Un envoûtement qui peut produire une sorte d’ivresse.
« Ravissement » évoque le rapt, la prédation mais aussi l’extase érotique ou mystique, entre danger et jouissance. Elisabeth, 45 ans, non croyante, rejoint un essaim bourdonnant de femmes recherchant un sens à leur vie dans la présence charismatique du Père Constantin. Elle va suivre le maître spirituel au gré de ses conférences, de couvent en monastère… Électrisée, Elisabeth garde toutefois son regard distancié, ironique. Jusqu’où ira-t-elle dans la fascination ? Corinne Hoex poursuit la mise en exergue de la soumission d’êtres vulnérables à une violence, apparemment inoffensive. Elisabeth voit pourtant les choses avec beaucoup plus de légèreté que les narratrices de ses précédents romans. L’auteur mettait alors en scène une adolescente dont l’emprise passait par l’autorité, cette loi des parents qui la coupait du monde extérieur et se substituait au sens. Ici, l’abus de pouvoir passe dans le monde des adultes par la manipulation et la séduction. Corinne Hoex fait preuve d’une précision d’entomologiste. Sa volonté de transcrire la cruelle vérité des femmes en mal de rêve s’accompagne aussi du frémissement du désir d’Elisabeth.
INTERVIEW
Qui est Elisabeth, à la fois héroïne et narratrice de votre roman ?
Cette femme de défis a comme métier de rechercher des manuscrits exceptionnels pour des antiquaires spécialisés en livres. Un jour, dans un magazine, elle croise le regard bleu du Père Constantin, un prêtre de charme. Immédiatement, l’emprise de ces yeux agit sur elle. Elle s’offre le plaisir d’aller voir en chair et en os ce qui correspond à ce regard. À son arrivée à la première conférence sur « La Présence », elle est en face d’un personnage d’un narcissisme absolu. Elle l’entend, elle sent son énergie. Tout est étudié pour prendre pouvoir sur son auditoire, constitué en majeure partie de femmes, qui sont toutes en adoration devant lui comme s’il était Dieu lui-même. Ce gourou se substitue à Dieu, il se présente comme une réponse aux questionnements de ces femmes subjuguées. Il les regarde comme s’il en savait plus sur elles qu’elles n’en savent elles-mêmes. Sous le regard curieux d’Elisabeth, on verra cette manipulation décortiquée à mesure qu’avancera le livre.
Elisabeth cherche-t-elle Dieu ou l’Amour ?
Elle est allergique à l’eau bénite, elle se pense à l’abri de tout cela du fait de sa personnalité plus lucide, plus distante. Mais elle a trouvé dans le Père Constantin un Père majuscule, le sien étant mort depuis dix ans. Elle va se positionner comme toute petite fille vis-à-vis du père. Il y a toujours cela dans l’inconscient de toute femme par rapport à un personnage masculin qui prend une position charismatique, archétypale de père comme c’est le cas de Constantin. Elisabeth veut séduire et savoir jusqu’où elle peut aller trop loin. Elle va le voir avec l’intention de devenir l’élue du Père. Elle veut être aimée de celui qui peut aimer tellement plus grand que lui puisqu’il aime Dieu, l’absolu. Elle décide d’être la maîtresse du maître, pas sur le plan physique mais moral. Ni l’un ni l’autre ne se donnent vraiment. Il y a un jeu de séduction.
Vous êtes arrivée tard dans la littérature…
Historienne de l’art, j’ai été enseignante, documentaliste, chargée de recherches avec la chance de publier des études sur les arts et traditions populaires de Wallonie. J’ai toujours aimé écrire. Je pensais que, pour m’aventurer dans un roman, il me fallait détenir un grand sujet de société. Le déclic s’est fait à partir simplement de ce qui était en moi et que j’ignorais. Je me suis autorisée à parcourir et explorer l’inconscient, cette partie de l’enfance et ses blessures. On n’est jamais indemne de notre histoire. Rien n’est plus vrai, plus juste que ce que l’on a présenté sous forme de fiction. Je ne sais pas si cela règle quelque chose. Mais il me fallait pointer cela, me le montrer à moi et à mes lecteurs. En retrait, sans faire d’analyse ni de thérapie. La force émotionnelle d’un texte est beaucoup plus grande quand on ne donne pas d’explication. J’essaie de laisser au lecteur son propre espace d’émotions.

Corinne Le Brun, Tageblatt (Luxembourg), 16 juillet 2012

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