Un fleuve. Le Rhône.
Une île, la Barthelasse, en face d’Avignon.
L’eau. Le vent. La lumière.
Et une femme sur la berge, qui porte un foulard rouge.



dans l’île avec le vent
et sa caresse aveugle
dans l’île ton châle rouge
et les mains nues du vent

et tu fermes les yeux
et tu entends le fleuve
son grondement sourd
le fleuve moiré d’argent



MOT DE L’ÉDITEUR
Le fleuve qu’évoque le recueil de Corinne Hoex, quel est-il ? Sans jamais le nommer, les courts poèmes du recueil permettent de l’identifier puisque la Barthelasse, citée dans le texte, est la plus grande île fluviale de France, située entre Avignon et Villeneuve-lès-Avignon, sur le Rhône. Trop puissant pour être emprisonné, trop impétueux pour s’accorder à l’immobile, ce dernier porte encore en lui la trace du fauve qu’il était. J’aime cette eau, cette île, cette nichée de prairies et de terre, corps allongé, étendu, attendu, séquestré dans le courant du fleuve. C’est que deux bras l’étreignent – l’un vif, l’autre dormant – caressant ses courbes, submergeant ses rives, laissant les « mains nues du vent » lier et délier son châle de soie rouge. Sans que l’on sache toujours qui du fleuve ou de l’île invente l’autre, Corinne Hoex confie à la poésie le soin de dessiner les cadastres d’une absence.
Bruno Doucey

Bruno Doucey, 2012
64 pages / 12×15,5 / ISBN978-2-36229-026-8

Finaliste du Prix PoésYvelines des collégiens 2012-2013

LECTEURS ET LECTRICES

Ce Rouge au bord du fleuve est splendide ! Je viens de le lire à l’instant et je sens que ces mots, simples mais profonds, vont m’accompagner un long moment encore, comme à chaque fois que je te lis. Merci pour toutes ces choses dont tu laisses traces.
Antoine Wauters, 7 février 2012

Je me suis laissé engloutir par le fleuve et par ses abords. On dirait que vous avez travaillé de manière presque musicale en resserrant votre matériau au maximum. J’avais déjà perçu cela dans vos poèmes précédents, mais ici c’est encore plus fort.
Michel Fourgon, 6 février 2012

Je trouve dans Rouge au bord du fleuve une forme de nécessité, quelque chose qui me parle de l’essentiel. Quelque chose qui circule à travers les mots, qui les traverse et les excède […] Il y a dans ta poésie une justesse miraculeuse. […] Il y a aussi le pouvoir de suggestion des images. Magnifique, ces prairies qui sombrent avec lenteur / s’enfoncent lentement / dérivent et sombrent.On voit les choses, on les sent, le vent, la végétation, l’odeur de la boue, tout un monde qui s’agite et grouille, alors même que le langage est d’une extrême parcimonie…
Daniel Arnaut, 22 janvier 2012

Économie radicale. D’une simplicité et d’une fluidité très belles. Le jeu des répétitions est remarquable, on dirait des vagues qui se recouvrent. Il y a des passages presque érotiques. C’est à la fois trouble (troublant) et limpide. Au fil de la lecture, on devient ce que tu décris, ce vent, ce mouvement de l’écriture, que tu t’appropries de vers en vers. Merci !
Caroline Lamarche, 16 janvier 2012

J’aime en ton texte les forces du fleuve, du vent, de la nuit, leur puissance silencieuse et l’envoûtement, l’imprégnation que vit celle qui porte une écharpe rouge.
Claire Anne Magnès, 9 janvier 2012

Une ambiance de nuit, d’ombre et de chaleur, un sentiment de sensualité à peine effleuré, porté par l’eau du fleuve aux abords de l’île. C’est très beau, cela transporte.
Roger Dewint, 13 février 2012

Magie de rendre symbolique le moindre élément visuel sans lui ôter sa présence concrète, profondeur de la méditation sur le temps et l’écoulement sans perdre pour autant l’immédiateté sensuelle. Et l’une ou l’autre images qui ne m’ont jamais quitté (notamment la couleur rouge et le fil d’un fleuve).
Grégoire Polet, 9 avril 2013

Quelle expérience initiatique et quels symboles charrie votre fleuve ! Ce foulard rouge, de soie pour être le plus flottant possible au vent, autour du cou, est à prendre comme un fil, rouge justement, qui conduit des « éléments » au personnage, à la conscience sensible qui ressent, vit, voit, ici. Il est question d’entourement : du cou par la soie rouge, de l’île par les bras (du fleuve) et par la nuit aussi qui obscurcit, dissimule, happe et nappe.
Jean-Claude Villain, 28 juin 2020


Extraits de presse

Corinne Hoex est aussi poète. D’une imposante clarté. D’une exigence majeure. On l’a deviné dans le roman, à travers le choix assuré des mots, le suc généreux des adjectifs, les phrases qui cascadent goulûment. Un grand « petit » recueil le confirme. Parus chez un éditeur à suivre attentivement, les textes de Corinne H évoquent le travail du maître verrier par la puissance du souffle, la délicatesse de la torsion, la douceur/douleur du moment où le couteau coupe le cordon ombilical et laisse la lumière s’ébrouer. Écriture de l’intime, cette poésie avance au pas de la secrète évidence.

Marc Emile Baronheid, BSC News, mars 2012

Les lecteurs et lectrices de Corinne Hoex savent bien qu’il y a en elle au moins deux écrivains : la romancière qui, soit par autoportrait soit par le jeu de la fiction imaginaire (peu importe, après tout), explore avec rage le monde âpre de l’enfance mutilée, des amours déçues et violentes, des affections impossibles. Le poète Hoex est très différent : dans ce beau recueil, Rouge au bord du fleuve, paru cette année chez Bruno Doucey (dernier maître d’œuvre des malheureusement défuntes Éditions Seghers), elle accompagne, entre rêve et regard, le cours d’un fleuve puissant et de ses berges et le chante avec, à la fois, une très judicieuse économie de moyens et un sens de l’image juste. Corinne Hoex crée dans ce recueil, un étrange et fertile dialogue entre un objet fragile — le châle rouge qu’elle porte, agité par le vent des berges — et le fleuve puissant. Dialogue entre le féminin et le masculin ? Peut-être. Parcours onirique ? Sans doute. Mais aussi, variations, au sens musical, autour de l’eau qui passe, des îles qu’elle épargne ou épouse, jusqu’à la fusion de l’être-poétique avec le fleuve et la nuit qui confondent / les terres / les eaux / et les airs. Des poèmes volontairement brefs, mais dilatés par le souffle et l’amplitude du regard.

Jean-Luc Wauthier, Texture, Du côté des poètes belges, 26 janvier 2012

Corinne Hoex publie un bref recueil de poèmes à la gloire du Rhône en Avignon, Rouge au bord du fleuve, où l’île de la Barthelasse est « la soif du fleuve sertie dans son étreinte ».

Jean-Philippe Catinchi, Le Monde des Livres, 13 au 19 juillet 2012

Minimaliste, mais concrète et sensuelle, la poésie de Corinne Hoex touche par sa justesse et sa tendresse. Un art de la phrase simple, des thèmes intimes mais universels, une attention au grain du quotidien.
Corinne Hoex est l’auteur de trois romans, qui lui ont valu de nombreux prix et un beau succès critique. Mais elle est aussi poète. Elle a publié aux éditions du Cormier deux petits livres (Contre-Jour en 2009 et Juin en 2011) où se dessine une poésie tout à fait originale, et d’une grande qualité. Chaque livre possède un sujet propre et forme comme un seul poème, développé en brèves stances qui déroulent un propos homogène et progressif. Les deux livres témoignent d’un sens rare du regard et de l’expression. L’attention à l’autre et l’émotion ne passent ni par l’expansion rhétorique ou affective, ni par la soustraction […]
Vient de paraître une nouvelle plaquette, aux éditions Bruno Doucey (décembre 2011). Rouge au bord du fleuve poursuit le même parcours poétique avec les mêmes éléments : choix d’un thème unique et neuf, même économie des moyens linguistiques. À nouveau, dans leur simplicité, des phrases telles que « les arbres inclinent leur ombre / sur l’eau noire / de la nuit » ont un pouvoir évocateur proportionnel à leur économie.
Trente-trois très courtes laisses déploient presque elliptiquement la confrontation de la locutrice avec un fleuve « grondant », par une nuit « belle et terrible », battue par un vent « fou ». La locutrice traverse la peur, avec pour talisman, métaphore et métonymie de la lumière, une écharpe rouge (tu portes l’écharpe rouge / qui sauve la lumière) : le vent fouette les arbres / fait tourner la poussière / et tu fermes les yeux / dans l’île avec le vent. Une île puis une ville, croisées, matérialisent le désir de la locutrice, qui peut davantage s’identifier au fleuve : une île / la soif du fleuve / sertie dans son étreinte. Car c’est bien de désir et de fusion qu’il s’agit, bien plus que de contemplation. Au terme d’un parcours qui aura inclus perception et immersion, les trois dernières strophes le disent sans détours : alors tu fermes les yeux / et tu es le vent / qui broie les platanes / soulève la poussière / tu fermes les yeux / et tu es le fleuve / son grondement / sa soif / son odeur de boue / tu fermes les yeux / car tu es la nuit / le noir de la nuit / qui confond / les terres / les eaux / et les airs.
Il n’est pas si fréquent qu’un romancier – une romancière – atteigne une telle originalité et une telle unité poétiques, a fortiori quand sa diction paraît se distinguer si nettement du ton romanesque. Mais gageons qu’une expérience d’écriture a forcément nourri l’autre.

Gérald Purnelle, Culture, Université de Liège, 24 février 2012

Le recueil réunit de courts poèmes en une seule évocation qui s’enroule autour d’une île qu’enserrent les bras d’un fleuve puissant. Rien de géographique cependant dans ce dit d’une errance au travers des terres, des eaux, des airs, dans le froid, dans le vent, dans le noir : une incantation qui affronte l’éclat de la mort face à la lune. Seule présence, une voix et cette silhouette à l’écharpe rouge qui sauve la lumière et pourrait bien apprivoiser cette eau d’argent, ce fleuve miroir, l’île et le monde.

Jeannine Paque, Le Carnet et les Instants, n°170, février-mars 2012

Corinne Hoex conte ses poésies comme de mystérieuses histoires : alors tu fermes les yeux / tu es dans l’île là-bas – et c’est comme la veille d’un rêve qui mène à ce fleuve dans la nuit. Fleuve qui palpite sous la lune, et qui lentement bouge / dans son fourreau d’argent […] Tous les sens sont conviés. L’eau au bruissement de satin, le grondement sourd du fleuve, ou des arbres qui le bordent, le frisson des feuilles dans le vent ; l’odeur de crue du fleuve, boueuse ; le goût même, la soif sans patience ; le désir du fleuve inconnu qui étreint l’île de ses bras, de ses caresses, sa poussée mouvante / {qui} grimpe / au flanc des berges. Mais la nuit belle et terrible, la nuit même, le fleuve la noie. Et il faut se confronter à la pensée écorchée, à ses propres yeux qui font peur. Aux longues ombres de la mémoire, tandis que les mains nues du vent froid aux rafales acérées, tandis que les reflets d’une ville, tandis que sa traversée interdite… : seul le frottement des pas / invente l’île. Île, jamais atteinte, et au cou l’écharpe, le foulard ou le châle, cette soie rouge qui sauve la lumière, elle qui fuit et qu’il faut retenir.

Eric Brucher, Antipode, 16 mars 2012 et La Lettre de l’AEB, mars 2012

Auteure de textes d’une très grande force, comme les formidables romans Ma robe n’est pas froissée et Décidément je t’assassine parus aux Impressions Nouvelles à Bruxelles, notre compatriote Corinne Hoex est aussi une poétesse d’une exquise délicatesse et son dernier opus en date, Rouge au bord du fleuve paru chez Bruno Doucey à Paris, en apporte une scintillante démonstration tout en nuances et en raffinement. 

Bernard Delcord, Lire est un plaisir, Homelit (Radio Nostalgie), Revue des Belges d’Afrique Centrale EBENE, newsletter et site des Guides Delta, mai 2012

Les poèmes de Corinne Hoex se déclinent près d’un fleuve sans nom. Il naît au fil de la lecture, comme une ritournelle tranquille, comme un pays familier, comme une douleur. Je l’ai vu, j’ai vu ses hautes eaux, ses soirs apaisés, hiver, été. La vie passe à ses côtés, s’emprisonne dans son courant incessant, repart. Je me suis tenue à hauteur de poète ; Corinne Hoex m’a prêté ses yeux, ses émotions, la douceur et la brûlure d’une langue qu’elle fait chanter haut et clair, des vers qui ne sont que murmures. La poésie est souvent une lecture coup de cœur, même plus, un enchantement, sans doute parce que j’y puise une force autre que celle que m’apportent les autres livres. Rouge au bord du fleuve ne quittera pas ma table de chevet. Il sera de ces recueils de poème lus et relus, infiniment cornés, cochés, annotés, ceux qui étanchent une soif qui ne nous quitte jamais tout à fait.

Corinne BougratLes lectures d’Antigone, 15 octobre 2018

Une plaquette de poésie(s) qui emmène par la main le lecteur pour une promenade rêveuse au bord de l’eau, au bord de nos vies aussi… Corinne Hoex est un(e) poète(sse) délicate, attendrissante et dont les phrases nous incitent à la rêverie, à la nostalgie aussi… un soir au bord du fleuve et… de nos souvenirs affleurant à la mémoire, comme ce foulard deviné.

Marie de Ré, World Periodical Press News, mars 2012

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