Textes de Corinne Hoex
Gravures de Véronique Goossens

Les mots arrachés. Ces mots que la mourante, lors des derniers instants, enfin aurait pu dire.
Ces mots que sa fille attendait et qui demeurent dans le silence.
Ces mots qui pourtant, au-delà du deuil, dans la sérénité de la solitude, viendront un soir éclore comme un murmure de l’inconscient.
Un saisissant huis clos mère-fille, âpre, percutant, tout en émotion contenue et dont, en dépit de la cruauté du propos, se dégage une tendresse inattendue.

tu retires ton masque
ta voix est claire
merci ma fille
merci
il est temps maintenant
et puis non
tu ne dis rien
tu prends tout l’air autour de toi
ta bouche reste ouverte

Tétras Lyre, 2015
64 pages / 22×22 / ISBN978-2-930685-14-4

LECTEURS ET LECTRICES

J’ai été infiniment touchée par la force et l’âpreté des Mots arrachés, ressuscitant la fin de votre mère, et cette injonction imaginée, « ma fille je veux que tu sois ».
Annie Ernaux, 27 juin 2016

Nous sommes tous nés d’un « oui » à la vie […] Mais c’est parfois comme si nous étions, après coup, chargés de le dire nous-mêmes, de le confirmer. Merci pour ce livre beau et fort. Sombre, beau et fort.
Marc Dugardin, 24 juin 2015

Tu nous as fait un livre haletant et précis, écrit dans l’ombre de ce qui défie la parole.
Lucien Noullez, juillet 2015

Des mots qui m’ont bouleversé tant ils viennent me rejoindre dans la profondeur de tant d’accompagnements. Mais qui rejoignent aussi ma chair la plus sensible.
Gabriel Ringlet, 22 août 2015

Ces poèmes sont comme des halètements ou des bouffées de mots jaillis d’un seul souffle court.
Jean-Pierre Foulon, 9 juillet 2015

Luc Baba écrit, dans La colère est une saison « Tu nais de ta propre lumière ». C’est le sens de ce « Corinne Hoex »-ci. Tu es, ici et désormais, essentiellement poète, ce que toujours tu fus, dans tous tes textes, mais l’affirmer à ce point c’est, sans doute, avoir trouvé son lieu, tissé de silence, d’une simplicité précieuse pour le lecteur, qui apprivoise l’innommable. La fin est magnifique, le « ma fille je veux que tu sois » qui se clôt sur le silence.
Caroline Lamarche, 15 juin 2015

J’apprécie l’élégance avec laquelle tu t’adresses à une personne qui, depuis si longtemps, a occupé une place essentielle dans ton œuvre. C’est une magnifique manière de prendre congé.
Pierre Mertens, 3 juillet 2015


Extraits de presse

Si Corinne Hoex met de la poésie dans ses textes narratifs – romans, récits, fables –, elle peut dans ses vers tracer une histoire en filigrane. Ici, la fin d’une histoire, plus précisément. Ces Mots qu’elle nous donne à lire sont ceux d’une vivante qui s’adresse à une mourante, puis à une morte, parce qu’elle aurait voulu les entendre lors de cette ultime rencontre. L’agonie est un arrachement, de l’une et de l’autre. Dans ce huis clos, entre fille et mère, devenu posthume à cause des mots qui ne viennent qu’après, d’abord deviné puis non équivoque, pointent l’émotion, la douleur, mais aussi le soulagement : le vif plaisir / de n’être pas morte. Que la défunte, naufragée, revienne chaque nuit, pesante et monstrueuse, l’avenir est tout de même en vue, avec la délivrance définitive. L’ombre est désormais souriante, malgré la phrase inachevée. Qui ne peut plus faire de mal […] Les Mots arrachés, outre les deux couvertures, est richement illustré par Véronique Goossens, de cinq gravures en pleine page.

Jeannine Paque, Le Carnet et les Instants, 4 janvier 2016

Corinne Hoex, romancière et poète, a publié depuis 2001 vingt livres. On garde un très beau souvenir de ses romans Le Grand Menu, Ma robe n’est pas froissée, et bien sûr, de ses poèmes, Celles d’avant, L’Autre Côté de l’ombreJadis vivait ici. Sur une trame familiale, sur les femmes, sur les proches, poèmes et romans forent émotions, sentiments, et glissent, au travers des constats, leur poids de blessures, de déchirures.
Le dernier recueil, dans une belle présentation carrée du Tétras Lyre (coll. Lettrimage, et un travail graphique de Véronique Goossens, de belles gravures en noir et blanc, jouant de l’ombre, de l’effacement, de taches et d’un exceptionnel sfumato), ne déroge pas à la thématique précitée. Le livre « accompagne » (au sens de Je l’écoute respirer d’Anne Philipe, ou de L’accompagnement de René de Ceccatty) les moments derniers d’un proche, en l’occurrence la mère de la narratrice, et toutes les ombres que lui laisse la défunte.
L’essentiel, ici, conjugue l’altération d’un corps aimé, les vannes lâchées de la « rescapée », cette bouche ouverte / emplie d’ombre. Même le dur passage de vie frêle à trépas, dans cette inspiration / l’asphyxie / la noyade. En quintils et sizains, le plus souvent, la poète traque le dru, l’insupportable, le plus nu de la perte : tu tâtonnes / vers un appui / qui manque. Il a fallu traverser la chambre de la mort imminente, assister au silence qui part ; il faut à présent faire siens les ombres d’après, le reflux des souvenirs d’elle, le débordement contraint — par la langue, la pudeur, le style, l’élégance — du cœur qui dicte les mots de départ et d’amour.
Quel hommage corseté à cette vie remise en jeu ! Une voix qui compte en poésie belge féminine…

Philippe Leuckx, La Lettre de l’AEB, août 2015, et Phœnix, n°18

On comprendra que l’usage des catégories doit rester ouvert, et qu’il n’y a pas de frontière, mais un continuum entre ce type de lyrisme, déjà varié, et l’autre versant, plus intime. Quelles que soient les postures, les formes et les fonctions que lui prêtent les poètes, le lyrisme contemporain est fondamentalement critique, habité par le doute, ou du moins par la nécessité de chercher sa parole au-delà d’une nostalgie du chant et des formules rebattues. Chacun à sa manière, feu Jean-Claude Pirotte, William Cliff, Guy Goffette, Corinne Hoex, Véronique Daine, Elke de Rijcke, Carl Norac, Karel Logist, Serge Delaive, Laurent Demoulin, Philippe Lekeuche, Luc Baba, Liliane Wouters, Rose-Marie François, Anne Penders ou Françoise Lison-Leroy expriment leur expérience du quotidien, des relations humaines, du deuil et du monde en connaissance de cause : les pouvoirs de la poésie ne brident pas leur lucidité, cette qualité qui caractérise la position du poète contemporain.

Gérald Purnelle, Karoo, 16 juin 2015

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