Des spectres. Des revenantes, enfouies au fond de nous.
Les mères, oppressantes, harcelantes, les ogresses, les sacrifiées, les gaveuses, venues de loin, venues d’avant, toujours en quête de leur proie, poursuivant leur œuvre de sape par-delà le temps.


c’est nous disent-elles
c’est nous
elles gravissent l’escalier
sans arrêt elles approchent
leurs mains frôlent
de hauts murs

la lumière tourne
dans les glaces

MOT DE L’ÉDITEUR
Corinne Hoex pratique une poésie volontiers narrative, d’une trompeuse simplicité, qui privilégie une langue épurée où chaque mot, choisi avec une parfaite justesse, fait mouche dans la sensibilité du lecteur. Tout en s’inscrivant dans la continuité de ses précédents recueils, Celles d’avant témoigne à la fois d’un approfondissement et d’un élargissement de sa palette. Dans ses romans (le Grand Menu, Ma robe n’est pas froissée, Décidément je t’assassine), Corinne Hoex n’a cessé de se colleter avec la domination de la famille et plus particulièrement l’emprise de la figure maternelle. Ce thème est à nouveau au cœur du présent recueil, où il se teinte d’une coloration fantastique tout à fait nouvelle dans son œuvre. Les celles d’avant du titre, ce sont d’inquiétants fantômes qui murmurent dans la nuit et s’invitent chez vous sans façon, c’est le poids obsédant de l’héritage des générations antérieures dont il est impossible de se défaire. Le tout traité avec une belle âpreté, entre humour noir et cauchemar fantasmatique.
Thierry Horguelin

Le Cormier, 2013
64 pages / 12,7×20,3 / ISBN978-2-930231-79-2
20 exemplaires numérotés et signés sur Rives Shetland et 580 exemplaires sur Munken Print

LECTEURS ET LECTRICES

Merci, chère Corinne Hoex, pour Celles d’avant — un beau titre — dont j’aime la violence et la douleur stylisées.
Annie Ernaux, 25 mars 2013

Merci pour vos pages bruissantes de silences et de blessures poignantes.
Lydia Flem, 12 mai 2013

Ce long poème vient des profondeurs et je mesure ici le risque, le péril de ta poésie, l’engagement du « narrateur » dans l’épreuve de dire cette part du Réel non pensable et non parlable, du Réel de la Mère venue des abysses de l’Inconscient.
Philippe Lekeuche, 13 mai 2018

Texte terrible, d’une grande cruauté, avec les deux derniers vers d’espoir. Je pense à Michaux, cet être « troué », comme toi. C’est vraiment un texte très fort à l’aune d’une descente en soi psychanalytique, jusqu’au dernier chapitre où le « moi » reprend le contrôle. Superbe !
Anne Marie Beckers, 23 mars 2013

Le sentiment que la malédiction vous colle aux talons, une « inquiétante étrangeté », tu cisèles le mystère…  et puis la levée du mauvais sort, ce final « brillant et vert », éclatant et pudique.
Caroline Lamarche, 25 mars 2013

Tes poèmes osent l’ascèse de l’enfance. L’ascèse d’abord, parce qu’ils sont écrits dans le silence. Le silence est leur matière. Et cela convient à l’enfance. Car l’enfance sait. Elle sait même ce que « celles d’avant » ont oublié. Mettre cela à jour, quelle qu’en soit l’âpreté, c’est faire un vrai travail de poésie.
Lucien Noullez, 1er avril 2013

Lisant les poèmes si farouchement tendus au passage de ces « visiteuses » effrayantes, j’ai été saisi par la beauté formelle dont vous avez façonné vos cris. Que vos maisons (c)hantées soient plus ou moins réelles n’y change rien, vous avez raison : « Le rêve est une forêt aux racines nouées ».
Alexandre Voisard, 23 mai 2013

Il y avait longtemps que je n’avais plus lu quelque chose d’aussi raffiné et d’aussi fort à la fois. Depuis Thomas Bernhard, je crois. Tu arrives à rendre transparentes les zones les plus opaques, ce qui en nous résiste au dire de la façon la plus opiniâtre. Tes « Érinyes » réveillent celles qui sommeillent en chacun de nous. Et quelle musique !
Jacques Richard, 25 mars 2013

Juste te dire que ce livre est bouleversant. Superbe, vraiment. Leur poids, on n’en finit pas de s’en libérer […] Je relis ce matin le magnifique monologue de Ritsos, Ismène. Et j’y trouve : « Les morts, vous savez, prennent toujours beaucoup de place — aussi petits et insignifiants soient-ils, ils grandissent d’un coup et remplissent toute la maison. On n’a bientôt plus un seul coin à soi. »
Paul Emond, 24 juin 2015

Celles d’avant, telles que vous les faites advenir sont là avec une justesse, une évidence […] Je ne puis que songer à la souffrance qui continue de marquer votre œuvre et, en même temps, à cette présence vive, parfois drôle, que vous venez de donner à ces femmes qui vous habitent et vous font, et leur descendante, et une autre.
Marc Quaghebeur, 3 avril 2013


UNE INTERVIEW

Corinne Hoex écrit. Des romans, comme Ma robe n’est pas froissée ou Décidément je t’assassine. Et de la poésie, comme Cendres, Rouge au bord du fleuve ou, cette année, Celles d’avant. Un de ses thèmes, c’est la maternité envahissante, qu’elle a développé au long de ses romans. Celles d’avant est dans la même veine : les spectres de la lignée maternelle, les revenantes, viennent d’un autre monde pour harceler le narrateur ou la narratrice.
Une fois un roman, une autre un poème. Pourquoi ? Ce n’est pas un choix délibéré. C’est venu comme ça. Dans Celles d’avant, il n’y a pas d’énoncé, on est avec quelque chose d’insaisissable, de non-dit. Les spectres viennent parler. C’est la force de quelque chose qui ne se formule pas, qui reste nu, brut, dont le sens n’est pas créé. Ça touche à l’inconscient. Ça parle à ma place. Je laisse advenir la parole à ces revenantes qui restent sauvages, indomptées. Tandis que dans le roman, c’est moi qui conduis la narration.
Pourquoi écrivez-vous de la poésie ? C’est le lieu où je me retrouve le plus près de moi-même, où je peux écouter le plus intime. Je suis hors du temps et de la temporalité. À l’écoute de l’instant et de l’éternité de l’instant. C’est presque un exercice méditatif, de moi à moi.
Pourquoi publier alors ? Parce qu’il y a relation à l’autre. Le travail d’écriture suppose le lecteur. Bien sûr, la poésie est une démarche d’écoute personnelle, elle dit quelque chose que je ne pourrais pas dire autrement. Mais ça suppose le lecteur, parce que ça ne se fait pas l’un sans l’autre.
Ça reste bien mystérieux. La poésie ne raconte pas d’histoire. Il faut une démarche du lecteur pour se rendre accessible à ce genre de chose […] Aujourd’hui on cherche des réponses rapides, alors que la poésie est questionnement et lenteur.
Jean-Claude Vantroyen, Le Soir, 27 juillet 2013

Extraits de presse

Qui sont-elles, ces femmes d’avant ? D’avant de vivre sa propre vie, sans compresses sur le front, sans contraintes ni consignes insupportables venues d’en haut, infligées par cet avant toujours en veilleuse sur le seuil de nos jours, fils et filles, lointains enfants de génitrices castratrices et fantomatiques.
C’est nous, soufflent-elles sans trêve à nos oreilles exacerbées. Elles connaissent si bien le chemin pour nous harceler, nous grignoter, nous manger nos plaisirs volés, elles sont les toujours pleines, les mains de fer, les reines mères, les incontournables, les gaveuses, les exagérées, celles qui, surgies d’outre-tombe, veulent à tout prix, au prix de leur sang qui coule encore impudiquement pour notre salut, nous rétrécir à leur image, nous modeler sur leur corps vertueux de madone des déshérités et des frustrés. À nous de ne point être leurs victimes, les proies dociles, qui n’auront pu recevoir d’autre héritage que leur bave intime, leur trou noir, leur vide, leur éternelle mesure de toutes choses.
En recourant une nouvelle fois à son écriture courte, hérissée, cinglante et pourtant profondément poétique, l’auteur s’en prend ici à toutes ces saintes femmes de jadis et de naguère qui ont perpétué l’art de survivre dans l’ombre, l’obéissance, l’intolérance, la rancœur et l’obsession de transmettre à leur descendance cette malédiction du devoir, du sacrifice qui empêchera l’être humain, l’épouse, la mère essentiellement, de s’épanouir au vent du bonheur et de faire éclater par la grande fenêtre de la liberté un cœur assoiffé de lumière : entre toi et le monde / la fenêtre est ouverte / le rêve est une forêt / aux racines nouées / et au-dessus ton cœur s’élève / brillant et vert
Un recueil, inquiétant et tonique à la fois, qui nous met en garde avec force et humour contre le péril du matriarcat castrateur… Celui qui règne encore trop souvent dans notre subconscient servile…

Michel Ducobu, Reflets Wallonie-Bruxelles, n°36, avril-mai-juin 2013

« Ogresses » autant que « gaveuses », « divas prédatrices » autant que servantes oblatives, elles, les mères (au pluriel universel, hyperbolique, démultiplicateur), font le siège de la chambre où « toi », leur enfant, cherches à leur échapper, finissent par y pénétrer, par « te » pénétrer pour se nourrir de tes substances jusqu’à ce qu’emportées par le vent, elles quittent la place, laissant planer leur ombre entre le monde et « toi », sans autre issue que l’assomption de « ton cœur… brillant et vert » au-dessus de la forêt du rêve.
Entre poésie intime et conte fantastique, composé de courtes strophes gravées à la pointe sèche, presque des didascalies, le texte déroule un monologue haletant à la seconde personne, scandé par les criailleries des Érinyes familières. L’écriture aride, fébrile, grinçante, happe le lecteur pour le mettre à l’épreuve de l’hybris maternelle ivre de sollicitude et de récrimination.

Daniel Lequette, Cahier Critique de Poésie, 2014

Une sorte de château branlant, de château-misère, aux pièces multiples, aux détours sans fin, avec ses pièces condamnées où se passent on ne sait quelles scènes atroces – Barbe-Bleue n’est pas loin –, où le vent répète à l’infini ses échos douloureux. Et elles sont là, celles d’avant, elles interviennent sans cesse, ne laissant nulle paix, vous poursuivant de leurs conseils, de leurs directives, de leurs jérémiades, de leurs radotages. Elles vous étouffent, vous empêchent de vivre : le barrage des trépassées. Car elles sont bien les forces de l’ombre, et l’ombre, le vide, autour d’elles, se font de plus en plus denses, de plus en plus effrayants. Une peur diffuse, que l’on ne peut situer en nul endroit précis. Mais elles sont là. Toujours. L’atmosphère est un peu celle des drames symbolistes, et l’on songe à Aglavaine, à Mélisande, à toutes ces sœurs disparues, mangées par l’ombre. elles sont là / tu ouvres / et elles sont là / c’est chez nous / disent-elles / fais attention de ne rien casser // dans chaque placard / derrière chaque porte
Il y a chez Corinne Hoex un peu de la sorcière et de la fée, rien d’étonnant à se l’imaginer pareille à une de ces jeunes femmes que peignirent les préraphaélites.
Elle traite avec une grande maîtrise ce thème difficile, qui aurait pu verser dans bien des poncifs. Non, nous sommes pris au jeu, nous nous perdons en ces couloirs sombres, et c’est à nous aussi que s’adresse cette étrange injonction, de jeter le vide qui nous étouffe, de rejeter celles d’avant, celles du dessous, pour émerger dans le monde vert de la forêt vivante : entre toi et le monde / la fenêtre est ouverte / le rêve est une forêt / aux racines nouées / et au-dessus ton cœur s’élève / brillant et vert

Joseph Bodson, La Lettre de l’AEB, mai 2013

Une fille (une femme, fille ou petite-fille…) s’adresse à ces voix qui hantent la mémoire. Toute maison, toute demeure (en soi) est hantée. Que de voix n’ont-elles pas franchi les murs ! Que de fois n’avons-nous pas senti venir quelque voix des fonds, « des caves de la mémoire » comme le disait Pessoa dans Le livre de l’intranquillité !
Corinne Hoex, dans ce dixième recueil, poursuit sa quête des blessures de l’enfance. Le « rouge » de la souffrance émerge çà et là, dans le tissu de poèmes brefs, six ou sept vers pour dire l’impact (comme on le dit de balles !) de ces voix féminines « gaveuses » qui l’enjoignaient à « se secouer ».
Six parties structurent ce beau livre hanté. Les titres rappellent la veilleuse de la mémoire. Les racines nouées en soi, de toutes celles qui nous ont porté(s). Avec leur force, leur orgueil, leur conviction. Une langue qui resserre le cou, qui engonce le lecteur dans un puits de plâtras, de ruine. Mais langue sûre ! Dans Farces et attrapes, les sizains cisaillent la réalité. On est sans air, sans oxygène, dans le trou. Dans le caveau des morts. Où les mots frôlent les murs et l’on en perçoit les voix, les plaintes, les souffles. Sous l’égide d’un beau vers de Rilke, Corinne Hoex sait que le travail de mémoire vive (comme la chaux) est une œuvre de sape, de saccage. Jusqu’où faut-il creuser ? semble nous dire, au fond du trou, celle d’aujourd’hui qui, au plus nu, au plus vrai, creuse, fore loin. Oui, oui, ce sont elles en robe de voyage comme nous l’assure l’auteur à l’entame de son livre car nous sommes tous à l’origine de la faille.

Philippe Leuckx, Textures, mars 2013

Corinne Hoex, aux textes libérés comme des âmes et ciselés comme des épitaphes, est une écrivaine qui ouvre en nous nos propres horizons, personnels et familiaux. Certes, la famille qu’elle déplume à grand coups de griffes (limées avec soin) est un gouffre ; mais on prend à la lire un immense plaisir, car c’est si bien écrit, et on y palpite jusqu’au fond du ventre, car c’est si juste. Et troublant, que ce soit si juste. […]
« Pour moi, la poésie est une respiration et une nécessité de questionnement. Une sorte de rencontre, d’ouverture à ce questionnement. En poésie, je suis à l’écoute d’une sensation, d’une émotion, je n’ai pas de projet établi. Et puis viennent des mots, des phrases, et le recueil est bâti sur cette énergie. Dans Celles d’avant, l’hagiographie collective des ancêtres féminins se fonde sur le ressenti vis-à-vis de la mère. Dans Juin, la grand-mère et sa générosité sont presque l’antidote des romans. J’y ai isolé un ressenti fondateur et bienveillant. » Elle rit : en effet, les mères et grand-mères de ses œuvres sont plus souvent des personnages glaçants et destructeurs que des Mamie Nova. « La poésie est peut-être la sensation de ce qui me questionne dans la vie. Celles d’avant est le fantasme de la présence maternelle : des femmes qui squattent la narratrice, porteuses de restrictions et de messages négatifs, qui viennent comme des spectres et qui prennent possession du personnage principal en lui adressant des messages d’interdit, de mépris, de rejet. »

Sabine Panet, Filiatio, n°11, septembre-octobre 2013

Corinne Hoex fait partie de ces écrivains belges francophones qui passent avec un égal bonheur du roman à la poésie. Celles d’avant est un recueil de poèmes – de vrais poèmes, courts, en vers libres très brefs, portés par des anaphores, par des répétitions, par un rythme qui s’impose comme une évidence. Et pourtant, une forme de narration implicite sous-tend l’ensemble : ce recueil de poèmes porte en lui un roman, est enceint d’un roman – à moins, au contraire, qu’il n’en soit l’enfant, le résidu inattendu et secret. Roman virtuel ou roman transcendé, comme on voudra. Toujours est-il que le terme de « recueil », employé jusqu’ici pour désigner cette belle suite de poèmes envoûtants, n’est pas le bon. Il ne s’agit en effet pas d’un assemblage de textes épars, mais bel et bien d’un livre finement construit, agençant de courtes pièces qui renvoient toutes aux mêmes personnages : une petite fille en proie à ses terreurs nocturnes et des femmes adultes incarnant la peur, désignées par diverses expressions comme « les vertueuses », « les visiteuses », « les plus que femmes » ou « les reines mères ». Il s’agit d’une sorte de monologue éclaté, répétitif, immobile, mais le « je » prend ici la forme du « tu », comme si une adulte s’adressait à l’enfant qu’elle a été. En outre, çà et là, le texte devient polyphonique quand sont reproduites, en italiques, des bribes de paroles de « celles d’avant ». Ce dispositif singulier, à la fois subtil et puissant, présente l’avantage de laisser au lecteur une grande liberté et d’ouvrir en lui un espace de rêves oubliés, de souvenirs enfouis ou de fantasmes enfantins.

Laurent Demoulin, Culture, Université de Liège, novembre 2014

On sait tout le bien que nous pensons de l’œuvre de notre compatriote Corinne Hoex dont les romans […] ont fait sensation en raison notamment de la dureté des sentiments qu’ils expriment sur un ton délicat avec une construction parfaite.
L’auteure a également publié plusieurs livres de poésie […] et elle a fait paraître récemment Celles d’avant aux Éditions Le Cormier à Bruxelles, un recueil dans lequel elle renoue brillamment avec ses vieux démons, les rapports familiaux et l’emprise maternelle, qu’elle aborde cette fois par le biais du fantastique traité au scalpel. […] Frissons subtils garantis !

Bernard Delcord, Lire est un plaisir, Homelit (Partenaires de Radio Nostalgie), 23 août 2013, newsletter et site des Guides Delta, août 2013

Bien qu’elle soit brève et simple en apparence, la poésie de Corinne Hoex est profondément singulière, ce que confirme encore son dernier recueil Celles d’avant, paru aux éditions Le Cormier.
Divisé en six parties distinctes, la veilleuse, les chambres interditesles visiteusesfarces et attrapeston oreille vivante et les racines nouées, le texte met en scène ce « tu » que les familiers de l’œuvre reconnaîtront (cf. Contre-jour et Juin pour ne citer qu’eux). Ce personnage ainsi désigné est en proie à des spectres, les figures maternelles que sont les mères et les grands-mères : elles sont là / tu ouvres / et elles sont là / c’est chez nous / disent-elles / fais attention de ne rien casser / dans chaque placard / derrière chaque porte. Chaque partie du recueil se présente sous forme de scénettes très imagées, dans une écriture très minimaliste, proche de la prose. Les effets de rhétorique, relativement rares, servent à créer une ambiance générale qui hésite ici entre mystique et fantastique : elles ne t’accommodent pas / d’une pincée de sel / d’une noisette de beurre frais / d’un filet de vinaigre / tu es un aliment sans goût / une proie. L’originalité du recueil tient aussi à l’introduction d’un dialogue entre ces figures inquiétantes et le « tu », et à la répétition de certains vers (c’est nous, disent-elles / c’est nous) que la disposition graphique met en évidence. La récurrence de certaines thématiques, parmi lesquelles celle du sang (où le rouge / coule dans le rouge leur vase de sang / se brise sur le seuil), fait de ce recueil un texte peut-être plus sombre, plus hermétique que ceux qu’elle a écrits jusqu’ici, tant en prose qu’en vers.
Décidément, publication après publication, Corinne Hoex excelle à couler un constant renouvellement thématique dans la continuité d’une poétique touchante, transparente et efficace !

Primaëlle Vertenoeil, Le Carnet et les Instants, avril-mai 2013

C’est nous disent-elles / C’est nous Elles viennent de loin, de profond, d’avant. Elles ne sont pas parties. Même si, parfois, elles s’absentent. Quand elles viennent, elles exigent toute la place, sur le lit, sur l’oreiller. C’est chez nous. C’est ta chambre. Elles sont toujours plusieurs, ogresses, gaveuses, sacrifiées… N’expliquent rien, sont seulement là, disparues, dans l’absence d’où tu viens. Tu les cherches, et elles entrent comme chez nous, et la maison est une ruine derrière l’armoire. Tu entends leurs voix, ce qu’elles veulent c’est ton oreille pour loger dans le silence entre toi et le monde. Elles sont celles d’avant. Elles te disent responsable de leurs maux, de la ruine. Elles viennent au bord de ton sommeil. Il serait temps que tu t’endormes et que ton cœur s’envole.

Marc Verhaverbeke (pseudo Onarretetout), Blog main tenant, 14 juillet 2015

Des êtres désincarnés, où nous oscillons sans cesse entre réel et fantasmagorie. Celles d’avant qui conditionnent, figurent et défigurent. Nous sommes du côté négatif : la seule chose vivante c’est le trou, avec son odeur. Il faut s’en occuper, y creuser sans fin, sans fard. Celles d’avant soulignent leur présence-absence enfouie au fond de nous et qui fouille partout. Des ruines qui ruminent des ruines : notre belle condition, jouets entre leur bouche, soumis, impuissants. Nous sommes des déchets d’abattoir. Elles se cachent et vivent en nous à notre insu : elles sont en ton âge. Elles sont les plus que femmes, les dominatrices à poigne de fer, excluant toute liberté, les mercenaires qui assurent l’ordre, le leur, mais subissent de plein fouet le quotidien fastidieux. Elles sont tout ce qui ne rend pas la vie heureuse. Martèlement, déferlement de mots durs, coupants, âpres leur assurent une position inébranlable qui abasourdit le lecteur, qui ne le laisse échapper par aucune porte. Mot où le banal trouve à inquiéter, assaut d’un matriarcat mort qui reste prégnant, ineffaçable. Ressassement impossible à cerner, impossible à fuir. C’est une torture mentale où les mots récurrents trou, creuser, , jusqu’où tournent comme des couteaux autour de nos gorges. Seule échappatoire : dormeuse, cela ne serait-il qu’un rêve jeté par la fenêtre ouverte ?

J-M.C. (Jean-Marie Corbusier), Le Journal des Poètes, 4/2015

Étude


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